“Wild Tounès”

Toujours souriant, éternellement de bonne humeur, c’est ainsi que Jamel Ben Saidane plus communément connu par « Wild Tounès » reçoit tous ses amis et tous les curieux qui veulent connaitre un peu plus sur la vieille ville de Tunis.

Ce fils de la médina, fervent défenseur du patrimoine et grand passionné de la vie des ruelles, de leurs tours et détours et des monuments plein d’histoire est un personnage à part par sa générosité et bienveillance pour les gens et la culture Tunisienne. Il connait chaque recoin, chaque ruelle, chaque mosquée et pratiquement toutes les petites histoires que nous ne connaissons pas. Il est également impliqué pour toutes les bonnes causes dans lesquelles il peut apporter quelque chose.

Jamel (Wild Tounès)

« Wild Tounès » est un « happy face » pour « Happy Tunisia ». Il a gentiment accepté de m’offrir cette interview autour d’un café turc au plus vieux café de Tunis « El M’rabet ».

  • Commençons par le commencement, comment on a commencé à vous appeler « Wild Tounès » ?

C’est moi qui a choisi ce surnom. Quand je suis né, je n’ai pas choisi mon prénom, donc j’ai choisi ce surnom pour deux raisons : « Wild » en tunisien pour dire « fils » de la Tunisie, étant tunisien de tout mon être et « Wild » en anglais pour dire que j’essaie de montrer cette Tunisie à l’état pur, sans maquillage ni retouches à travers ce que je fais.

 11356088_10204997711675564_1413497381_n

  • Parle-nous un peu comment votre passion pour la Médina a commencé ?

Je pense que cette passion est née avec moi. Je suis né à la Médina, et j’ai grandi dans ses ruelles. J’ai côtoyé l’Histoire dès mon plus jeune âge. Ma vie ne peut pas se dissocier de cet espace merveilleux et mon histoire est liée à la sienne. Je ne suis pas historien, j’ai fait de l’informatique appliquée à la gestion, mais je suis historien par la pratique, à force de fréquenter des gens qui s’y connaissent et de vivre ici. Beaucoup de gens ne valorisent pas cet endroit et préfèrent le quitter, chose que je ne peux pas faire. Egalement, j’ai eu la chance d’avoir d’excellents profs d’Histoire au lycée qui m’ont appris que l’Histoire est un grand conte de l’humanité.

 11350186_10204997710875544_269017395_n

  • Tu peux nous décrire une journée typique pour toi à la Médina ?

Toutes mes journées commencent par un tour à la Médina, un café à la 3enba, Chaouachine ou Sidi Ben Arous. Mes journées sont pleines de rencontres , de gens que je connais ou que je ne connais pas, mais elles sont marquées par des échanges passionnés autour de la Médina, l’Histoire, les monuments…

 11349022_10204997710995547_397233185_n

  • En fin connaisseur de la Médina, quels sont tes endroits préférés ?

Barcha ! (beaucoup !) Tout ici a une place dans mon cœur, mais j’aime spécialement les endroits qui me rappellent mon enfance, les partis de foot entre gamins qu’on avait par exemple, j’aime « El Hafsia », Dar Lasram, Le café El 3enba et l’Espace « Al Diwen » à la rue Sidi Ben Arous parce qu’au-delà d’être une librairie, c’est un lieu d’échange et de rencontre et on en sort souvent avec une information nouvelle grâce à Sofiane le libraire.

 11301515_10204997711475559_13381509_n

  • J’ai vu souvent que tu organisais des visites guidées pour tout le monde et à titre bénévole, pourquoi tu en fais pas ton gagne-pain ?

Oui, je suis « Un guide malgré-lui » (comme le « médecin malgré-lui ») mais je prends un énorme plaisir à montrer les trésors cachés de cet endroit magique. J’en fais pas un gagne-pain parce que le jour où je commencerai à percevoir de l’argent pour cela, j’arrêterai d’être passionné. Une visite guidée a une durée et un circuit bien déterminé alors que les circuits que je fais sont souvent improvisés, en petit groupe, et qui essaie de faire de cette découverte une expérience qui fait plaisir à tous les sens : l’odorat, le goût, la vue et l’ouïe. Il y a les circuits « touristiques » qui n’apprennent que des informations basiques sur les lieux et leurs histoires mais dans les circuits que j’essaie de faire, j’essaie de raconter les histoires non connues, et de montrer les petites subtilités. J’aime aussi aller dans des endroits insolites comme les mausolées et les hopitaux qui ne sont pas des lieux touristiques communs.

Je me réjouis de cette nouvelle tendance où plein de gens –surtout des jeunes- veulent connaitre leur histoire et renouer avec leur identité. J’essaie donc d’offrir –du mieux que je peux- un service accessible et riche.

 11268908_10204997711275554_1934077738_n

  • Tu m’as déjà montré (ainsi qu’à beaucoup d’autres) beaucoup de mausolées de « Tounès el mahroussa », as-tu un intérêt spécial pour ces endroits ?

Dans la médina de Tunis, il y a au moins deux cents saints (wley), et c’est pour cela qu’on l’appelle « Tounès El Mahroussa ». Il y a beaucoup de maisons avec des tombes de « saints » dedans, mais là c’est une autre histoire. La coutume a fait que beaucoup de personnes connues par leur piété et bienfaisance sont enterrées chez elles et deviennent des saints dans l’imaginaire populaire, qui crée des mythes autour d’elles par la suite et de là naissent des histoires extraordinaires. Mais le fait est qu’avant la création du cimetière « Al Jallaz », il n’y avait pas assez d’espace pour enterrer tout le monde, il était plus facile de recourir à ce que je venais de dire. Il est important de dire que je m’intéresse à ces personnages et à ces endroits pour la beauté architecturale de certains mausolées comme celui de Sidi Ebrahim Riahi ou Sidi Mehrez et au rôle social et politique que ces personnes jouaient de leur vivant. Sidi Ebrahim Riahi par exemple était un grand savant, un cheikh de la Tijania, mufti et un ambassadeur. Sidi Mehrez a joué un grand rôle pour permettre aux juifs d’habiter la médina par exemple.

Il est aussi très intéressant de voir les réactions des gens qui visitent ces endroits. A chacun sa passion, il y a les passionnés de foot et les passionnés des saints 😀

 11262318_10204997710555536_1887940900_n

  • A part être une des personnes référence pour visiter la Médina, quelles sont tes autres vocations ?

Je suis volontaire avec le croissant rouge Tunisien depuis plus de dix ans, et il faut dire que le croissant rouge est mon premier et dernier amour. Je suis beaucoup influencé par l’histoire de son fondateur Henri Dunant. C’est quelqu’un qui a été hanté par l’idée de créer un changement dans le monde et venir au secours des gens et il a pu réaliser son rêve. J’ai toujours eu cette envie d’aider du mieux que je peux les autres depuis tout petit. Je me rappelle très bien le bonheur que j’avais de retourner à l’école lundi matin après avoir contribué à peindre la salle de classe durant le weekend. C’est comme ça, à chacun sa passion.

Je suis également membre de l’association Carthagina dont la mission est de promouvoir le patrimoine Tunisien et du CinéClub Tunis.

Je suis aussi membre du groupe « La9ad Rahajna Men Ajlikom » qui est une communauté qui vise à faire promouvoir la gastronomie populaire Tunisienne en partageant les bonnes adresses avec un rapport qualité/prix intéressant, des recettes populaires et à divulguer le sens du partage. Je considère que ce groupe a réussi sa mission puisqu’il a pu permettre à plusieurs personnes de se connaitre et de partager.

11118746_10204997710355531_153348263_n

  • Finalement, qu’est-ce que tu voudrais que la Médina soit ?

Je voudrais que la Médina retrouve son authenticité, qu’elle soit un lieu de vie et qu’elle ne se transforme pas en maisons d’hôte partout, qu’elle redevienne aussi importante qu’elle l’était et ceci implique la restauration des vieilles maisons et des vieux palais aujourd’hui délabrés, qu’elle soit un lieu d’attraction qui joint l’esthétique à l’activité économique. Il y a encore beaucoup de gens à faire.

11118706_10204997710835543_858705760_n

 Jamel Ben Saidane, le fidèle “Wild Tounès” est un Tunisien qui croit à sa passion et qui est heureux de nous rendre heureux. Mille mercis!

Ps: toutes les photos de la Médina ont été prises par Jamel Ben Saidane (Wild Tounès)

Leave a comment